En Bref : Les salons de Paris – Hommage à Howard Hodgkin – La collection Barjeel

[17.03.2017]

Les salons de Paris

Les dessins fleurissent dans la programmation parisienne du printemps: dessins anciens, modernes, et contemporains croisent la création émergente au grès de trois salons transformant Paris en capitale mondiale du dessin le temps d’une semaine. Un millier d’oeuvres triées sur le volet sont réunies à l’occasion de la 26e édition du Salon du Dessin au Palais de la Bourse du 22 mars au 27 mars 2017. Ce salon à taille humaine retient 39 exposants (avec 60% de galeries françaises) dont quelques-uns étaient présents sur la prestigieuse Tefaf de Maastricht quelques jours plus tôt, à l’image des galeries Didier Aaron, Helene Bailly, Jean-Luc Baroni, Kartsen Greve, Hadrien de Montferrand et du lyonnais Michel Descours. Choisir le salon de Paris après la Tefaf, qui n’est autre que le plus prestigieux salon d’art et d’antiquités au monde, offre une garantie qualitative indéniable. Les signatures anciennes et modernes sont ici à l’honneur, très recherchées par les amateurs pointus et les conservateurs de musées notamment par ce qu’elles sont plus abordables sous ce médium qu’elles ne le sont en peinture ou en sculptures.

A cent mètres du Palais Brongniart, un salon plus prospectif s’ouvre dans les 700 m2 sous verrières de l’Atelier Richelieu : DDESSIN {17} se définit comme un Cabinet de dessins contemporains et non comme une « foire ». Un nombre d’exposants réduit offre une appréhension qualitative et sensible des œuvres dans la déambulation de cet hôtel particulier du XVIIe siècle. Pour sa cinquième édition, DDESSIN a sélectionné 18 galeries dont la Galerie Céline Moine de Lyon, Creative Growth Art Center d’Oakland, Ozenne & Prazowski Gallery de Londres. Une sélection de films en lien avec le dessin et attribution du Prix DDESSIN {16} / Institut Français de Tanger complète la programmation du 24 au 26 mars. Avant de quitter le quartier pour entamer la visite de Drawing Now au Carreau du Temple, rendez-vous au 17 rue de Richelieu pour découvrir Drawing Lab, terre d’accueil de multiple expérimentations autour du dessin à visiter dans le sous-sol d’un hôtel. Ce laboratoire unique en son genre s’est ouvert en février dernier à l’initiative de Christine Phal, la fondatrice de Drawing Now, afin d’expérimenter un dessin contemporain à la frontière des genres, quittant la feuille de papier pour les murs, sols, plafonds, pour s’exprimer à travers une multitude de supports.

Enfin, Drawing Now réinvestit le Carreau du Temple pour cette 11ème édition du 23 au 26 mars, avec 72 galeries, près de 400 artistes et quelques 2 000 dessins… Plus de 20 000 amateurs sont attendus autour d’une sélection d’oeuvres de Penone à la galerie Bartschi, de Morellet chez Aline-Vidal, de Bernard Pagès chez Bernard Ceysson, de Geneviève Asse chez Catherine Putman, de Claude Viallat chez Catherine Issert ou de Barthelemy Toguo chez Lelong. Philippe Piguet et Christine Phal, responsables du salon, réitère par ailleurs le parcours Master Now initié l’an dernier, un parcours ponctué au sein même du Salon pour redécouvrir quelques maîtres du dessin d’une feuille à l’autre.

Hommage à Howard Hodgkin

L’artiste Howard Hodgkin s’est éteint ce 9 mars à l’âge de 84 ans dans sa ville natale de Londres tandis que deux expositions le consacrent au Royaume-Uni dans les prochains mois. Né en 1932, la belle carrière de l’artiste s’étend sur plus de 50 ans, une carrière ponctuée d’honneurs nationaux qui font de lui l’un des peintres abstraits les plus influents du Royaume-uni. Hodgkin représenta notamment son pays en 1984 à la Biennale de Venise, obtint le prestigieux Turner Prize l’année suivante, fût anobli en 1992 par la reine d’Angleterre et fut enfin nommé Compagnon d’honneur en 2003. Au cours des trente dernières années, sa notoriété internationale n’a cessé de croître avec de grandes expositions en Europe et en Amérique, notamment la rétrospective itinérante amorcée en 2006 à l’Irish Museum of Modern Art de Dublin, qui voyagea ensuite à la Tate Britain à Londres puis au Musée Reina Sofia de Madrid. Dans ce panorama de prestige, la galerie le représentant n’est autre que la célèbre Gagosian gallery. Si Howard Hodgkin est apprécié des institutions, le marché le lui rend bien avec une quinzaine d’oeuvres proposées en salles de ventes sur le seul mois de mars 2017, et un record d’adjudication qui frôle les 2m$, obtenu pour In the Green Room chez Christie’s à Londres en 2015. Même si l’essentiel des œuvres acquises en salles sont des estampes, sa cote a plus que doublé en seulement dix ans.

Nourri par l’art moderne français et anglais, en particulier par Degas, Turner, Seurat et Vuillard, Hodgkin a su créer un style propre et reconnaissable, libéré de l’impact de la peinture américaine et de l’expressionnisme abstrait. Empreinte d’une grande intensité colorée probablement nourrie par ses nombreux voyages en Inde, sa peinture déborde souvent du cadre renforçant l’idée qu’elle est d’abord un objet. Ses œuvres, dont la facture traduit une apparente simplicité par une gestuelle rapide et spontanée, démentent en réalité des années de travail et de retouches en amont.

La collection Barjeel à l’IMA

Ce n’est pas si souvent que les visiteurs ont l’occasion d’entrer littéralement dans la tête et le cœur d’un collectionneur. C’est l’expérience unique que propose L’institut du Monde Arabe depuis le 28 février (et jusqu’au 2 juillet 2017) avec l’exposition 100 Chefs-d’œuvre de l’Art Moderne et Contemporain arabe, qui présente pour la première fois en France un superbe panorama du monde arabe contemporain issu de la Collection Barjeel. Célèbre blogueur et commentateur de la vie politique du Moyen-Orient, Sultan Sooud Al Qassemi a créé en 2010 la fondation Barjeel dans sa ville natale, Sharjah (Emirats Arabes Unis), avec l’objectif affiché d’aller à la rencontre des artistes du monde arabe et de mettre en valeur leurs œuvres, afin de les faire mieux connaître. C’est l’une des plus importantes collections d’art contemporain du Moyen-Orient qui est exposée pour la première fois en France.

La sélection de l’IMA déroule en trois espaces l’histoire de la création arabe depuis la seconde moitié du XXe siècle, tous média confondus. Le commissaire Philippe Van Cauteren, directeur du musée d’art contemporain de Gand et commissaire du pavillon irakien à la Biennale de Venise, a souhaité mettre l’accent sur la démarche particulière du collectionneur. L’exposition s’ouvre sur une galerie muséale, réunissant les artistes phares au sein d’une scénographie somme toute classique. Kader Attia, lauréat du Prix Duchamp 2016, y figure en bonne place avec son installation néon Demo(n)cracy. Elle côtoie Souterrain, une forêt de pupitres portant les gravures d’Adel Abdessemed, et un magnifique portrait plus traditionnel de Hayv Kahraman. Les jeunes artistes ont également une place de choix : à côté des sculptures d’Athar, jeune Irakien de 34 ans installé en Italie, le portrait poignant d’un Barack Obama sans-abri, une œuvre d’Abdalla Omari, peintre syrien de 30 ans réfugié à Bruxelles. La seconde salle déjoue les attentes du visiteur en ouvrant pour lui un espace de réserve, lieu de conservation et de recherche scientifique par excellence, mais également de rapprochement intime avec les œuvres. La dernière salle permet de pénétrer au cœur même du processus de création d’une collection en dévoilant les espaces privés de Sultan Sooud Al Qassemi, avec un ensemble de documents, photographies et notes. La véritable raison d’être de la collection Barjeel apparaît alors clairement : ce fonds est avant tout un instrument de travail pour l’écriture d’une histoire de l’art du monde arabe. Cette exposition est à la fois un hommage à la création artistique et un appel au dialogue entre civilisations, gageons que le public occidental répondra présent.