Top des premières enchères

[27.02.2015]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine, Artprice revient sur les 10 meilleures premières enchères occidentales de l’année 2014.

La tendance spéculative du marché de l’art contemporain et la course actuelle aux Blue Chips pourraient laisser à penser qu’un tel classement récompenserait en premier lieu les jeunes stars du marché occidental. Il n’en est rien. Ces meilleures adjudications sont emportées en majorité pour des pièces historiques, parfois réaliser par des maîtres anciens dont l’identité est encore floue. Valorisation de l’histoire de l’art et critère de rareté l’emportent ainsi sur les effets de mode.

Top des premières enchères
Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 Matteo GIOVANNETTI 2 742 740$ Katharina von Alexandrien und Antonius Abbas 2014-11-15 Lempertz COLOGNE
2 LOMBARD MASTER 2 700 000$ Portrait of a Gyrfalcon, Viewed from Three Sides 2014-01-30 Sotheby’s NEW YORK NY
3 Alex ISRAEL 850 000$ Sky Backdrop (2012) 2014-05-12 Christie’s NEW YORK NY
4 MAITRE AUX MADONNES AUX JOUES DODUES 780 000$ The Virgin and Child with Saints Dominic, Augustine, Margaret and Barbara 2014-01-29 Christie’s NEW YORK NY
5 Battista di Biagio SANGUIGNI 650 000$ The Virgin of Humility 2014-01-29 Christie’s NEW YORK NY
6 Jan BOOTS 622 726$ Allégorie de la Vue et de l’Odorat 2014-03-26 Artcurial (S.V.V.) PARIS
7 AMICO FRIULIANO DEL DOSSO 530 968$ Portrait of a Gentleman with a Sword, Three-Quarter Length, a Landscape with a Walled City Beyond 2014-07-09 Sotheby’s LONDON
8 Hamed OWAIS 460 000$ Al Zaim w Ta’mim Al Canal (Nasser and the Nationalisation of the Canal) (1957) 2014-10-21 Christie’s DUBAI
9 Giovanni DE BOLOGNE 400 000$ The Crucifixion with the Virgin Mary and Saint John the Evangelist 2014-01-29 Christie’s NEW YORK NY
10 Mahmoud SABRI 350 000$ Untitled (1950′) 2014-10-21 Christie’s DUBAI
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Redécouverte

Un exemple de redécouverte importante advint l’année dernière avec l’apparition d’un maître italien du XIVème siècle, Matteo Giovannetti, inconnu des enchères tant ses œuvres sont rarissimes. Il a établi le record occidental pour une première enchère en 2014 a 2,74 m$, rien de moins, pour deux tempera sur bois représentant Catherine d’Alexandrie et Antoine le Grand, mesurant chacun 64 x 17 cm (chez Lempertz à Cologne le 15 novembre 2014). Pourquoi ces deux panneaux ont-ils allègrement triplé leur estimation et planter la meilleure adjudication allemande en art ancien de toute l’année 2014 ? Il se trouve que ces œuvres du Trecento italien faisaient partie à l’origine d’un retable, dit Retable Manin, dont d’autres panneaux sont dans des collections prestigieuses comme celle du Louvre. Les deux tempera en question avaient disparues depuis près d’un siècle avant que la société Lempertz ne les découvre dans la collection du peintre allemand von Lenbach, qui les aurait acquis de la collection du Comte Cernazai d’Udine. Une provenance sans ombre, une partie de retable prestigieux, une signature marquante de l’histoire de l’art ancien (Matteo Giovannetti fut le principal peintre de l’école d’Avignon) furent autant de critères majeurs pour porter l’oeuvre au plus haut.

 

Presque anonymes

Un second coup de marteau de cet ordre étaye le classement. Il récompense un maître lombard anonyme (Lombard Master, act.c.1540-1560), pour une grande huile sur toile (75,7 cm x 100,5 cm) représentant un faucon sur trois faces. Les oeuvres détaillant des animaux, des plantes ou des insectes, étaient très appréciées de l’aristocratie européenne. La qualité de la facture, la subtilité des couleurs, la beauté du sujet et le parfait état de conservation ont emporté le faucon d’une main presque anonyme à 2,7 m$, contre une estimation de 700 000 $ – 1 000 000 $.
Autre exemple d’artiste repéré par les historiens de l’art mais dont l’identité est encore à travailler, avec le maître des Madones aux joues dodues. Sous ce qualificatif se cache un peintre de Bruges actif pendant le premier quart du XVIème siècle. Christie’s intégrait une de ses scènes religieuses lors de ses ventes new-yorkaises de janvier 2014, une œuvre au pedigree particulièrement prestigieux, puisque le Metropolitan Museum of Art de New York s’en séparait au profit de nouvelles acquisitions. Cette excellente provenance permit au maître des Madones aux joues dodues d’atteindre 780 000 $ au marteau.
Un troisième artiste dont le nom véritable reste à élucider émerge de ce Top : connu sous le sobriquet de Amico Friuliando del Dosso, il s’agit d’un maître actif pendant le premier quart du XVIème siècle, dont un Portrait d’homme atteignait 530 000 $ chez Sotheby’s. Cette oeuvre fut attribuée à diverses signatures (dont celle de Lorenzo Lotto) avant de finir sous le nom de Amico Friuliando del Dosso. L’oeuvre paraissait aux enchères à la suite d’un long prêt au Metropolitan Museum of Art.

Ces « presque » anonymes se classent peu où proue au même niveau que les artistes mieux référencés tels que Jan Boots, Battista di Biagio Sanguini et Giovanni De Bologne. Le premier, Jan Boots, a travaillé dans l’atelier de Jan Brueghel et dont il répliqua nombre de tableaux. Artcurial offrait, en mars 2014, une composition ambitieuse dans le goût de Brueghel (une Allégorie de la Vue et de l’Odorat) représentant le cabinet de curiosités d’un collectionneur. Cette œuvre, témoignage du développement des arts de l’époque, s’est envolée pour plus de 600 000 $, doublant largement les estimations, bien que Jan Boots – aussi appelé Boets, Booets, ou encore Booetz – ne se soit pas véritablement fait un nom.

 

Oeuvres récentes : Dubaï face à New York

Au sein d’un classement privilégiant la redécouverte et la revalorisation d’oeuvres historiques, trois résultats font figure d’exception : ceux d’Hamed Owais, de Mahmoud Sabri et d’Alex Israel.
Les apparitions de l’égyptien Hamed Owais et de l’iraquien Mahmoud Sabri sont liées au développement du marché de l’art dans les Emirats Arabes Unis. Ces artistes ont fait leurs preuves depuis des décennies et leur nouvelle valorisation sur le marché des enchères récompensent tardivement l’ensemble d’une carrière. Il paraît étonnant en effet qu’une figure si importante de la scène artistique égyptienne que Hamed Owais (il participa à la fondation du Groupe d’art Moderne en 1947 et ses œuvres ont intégré plusieurs musées) ne soit pas apparue plus tôt en salle de ventes. Ses deux premières œuvres en salles se sont vendues respectivement 170 000 $ et 460 000 $ chez Christie’s Dubaï, en octobre 2014. Hamed Owais intègre ainsi le cercle des enchères pour la première de sa vie à l’âge de 95 ans, contrairement au trentenaire américain Alex Israel, dont les prix montent déjà bien plus haut. Alex Israel est le seul artiste de moins de 40 ans à intégrer ce classement, après une tentative de vente ratée en 2013 (Sotheby’s New York) pour une toile alors estimée 70 000 $. Cet achat aurait pourtant été une très bonne affaire car, en 2014, pas moins de sept toiles peintes au spray dans des couleurs vives se sont arrachées ans une fourchette de prix allant de 190 000 $ a 850 000 $ ! Le jeune Alex Israel, né en 1982, est la nouvelle coqueluche des ventes d’art contemporain de Londres et de New York. Ce californien a plusieurs cordes à son arc : chef d’entreprise (avec les lunettes de soleil Freeway Eyewear qui font partie de sa panoplie d’artiste), rédacteur pour le magazine Purple Fashion, il jongle par ailleurs avec les stéréotypes du showbiz et avec les codes de l’histoire de l’art. Il fut propulsé sur le devant de la scène artistique en 2010 lors de la California Biennial, puis présenté chez Peres Projects à Berlin en 2011, chez Almine Rech à Paris l’année suivante et enfin chez le célèbre Gagosian, qui l’expose dans sa galerie romaine au coté de Kathryn Andrews jusqu’au 15 mars 2015.