Vers un droit de suite universel ?

[10.05.2017]

L’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) travaille notamment sur la question du droit de suite et organisait ce mois-ci un colloque international visant à débattre sur la question de son extension universelle (International Conference on Artist’s resale right, les 27 et 28 avril 2017, WIPO, Genève).

L’origine de ce droit, créé en France en 1920, remonte à une histoire touchante qui émue l’opinion publique en son temps : celle des enfants du peintre Jean François MILLET (1814-1875) découvrant la vente aux enchères d’un chef-d’oeuvre de leur père, L’Angelus, acheté 1200 francs à l’artiste et adjugé, peu après la première guerre mondiale, pour un million de francs, une somme faramineuse à l’époque. Le droit de suite est ainsi né de cette émouvante remarque «Regarde ! C’est le tableau de papa » d’un enfant vivant dans le dénuement face à l’enrichissement conséquent du propriétaire de L’Angélus. Ce droit, instauré dans le but de défendre l’intérêt des artistes et de leurs ayants-droit et de leur permettre de bénéficier d’une rémunération dans le cas de la revente des oeuvres, est aujourd’hui applicable dans plus de 70 pays à partir d’un montant de revente supérieur à 750 euros (environ 800 $). Le taux du droit de suite oscille entre 0.25% et 4% selon la tranche de prix de l’oeuvre, le montant étant néanmoins plafonné à 12 500 euros.

Le droit de suite est donc un système de protection des artistes et de leurs ayants-droit dans le cas de la revente d’une œuvre. Il se définit comme « le droit, pour l’auteur d’une œuvre d’art graphique ou plastique originale, à percevoir un pourcentage sur le prix obtenu pour toute revente de cette œuvre. Les ayants droit de l’artiste profitent également de la vente des œuvres d’art jusqu’à 70 ans après le décès de l’artiste. » Le code de la propriété intellectuelle précise que les œuvres concernées sont « Les tableaux, les collages, les peintures, les dessins, les gravures, les estampes, les lithographies, les sculptures, les tapisseries, les céramiques, les verreries, les photographies et les créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique » et « Les œuvres exécutées en nombre limité d’exemplaires et sous la responsabilité de l’auteur sont considérées comme œuvres d’art originales au sens de l’alinéa précédent si elles sont numérotées ou signées ou dûment autorisées d’une autre manière par l’auteur» (article R.122-3 du Code de la propriété intellectuelle).

Aux détracteurs invoquant une possible distorsion de concurrence et un déplacement du marché de l’art vers les pays qui n’appliquent pas le droit de suite, de récentes études délivrées dans le cadre de la conférence de l’OMPI par l’économiste Américaine Kathryn Graddy démontrent que son application n’a pas eu d’effets négatifs sur le marché, et que les pays l’appliquant n’ont pas subit de ralentissement sur les transactions.

Si le droit de suite – répercuté sur le vendeur – fonctionne bien dans de nombreux en Europe et au Royaume-Uni, certains pays leaders sur le marché de l’art ne l’appliquent toujours pas. Les Etats-unis sont particulièrement en retard dans ce domaine ; tandis qu’en Chine, les artistes et les ayants-droit n’ont pas véritablement conscience de l’importance du droit d’auteur pour eux à la différence des français. Dans d’autres pays, l’information passe mal, au Japon notamment où le droit de suite, bien qu’inscrit de manière optionnelle dans la Convention de Berne signée en 1899, n’est pas réclamé par les artistes car ils n’en sont pas suffisamment informés.

Aujourd’hui, d’après le département d’économétrie d’artprice, le droit de suite concerne près de la moitié du marché de l’art aux enchères, soit quelques 6 Mrd$ sur la base du produit de ventes mondial de 2016. 17 000 artistes sont concernées… dont nombreux se trouvent être de nationalité américaine et chinoise…